Changement radical
Après avoir obtenu mon BAC, j’ai fais un bref passage à la fac. J’en rêvais. Comme d’habitude, bercée par les séries américaines, avec le beau campus, l’herbe bien tondue et les petites fontaines. Là encore, grosse déception. Un cadre et un climat déprimant. Rien à voir avec la télévision. Si j’ai eu la chance de loger dans une résidence étudiante plutôt agréable, sur le campus, les hébergements étaient lugubres et sans âme.
Mauvais rapport qualité prix
Faire des études, c’est bien, à la condition que ce soit efficace. A la fac, j’ai vite compris qu’il faudrait suivre des études pendant au moins cinq ans (si on obtient tout du premier coup), et trouver un job d’appoint pour boucler les fins de mois, pour un résultat hypothétique. Le prix des livres, de l’hébergement, du transport … je me suis rendue compte que l’école n’était pas du tout un bon rapport qualité-prix.
Comme je te l’ai dis, j’ai étudié la vie dans les magazines, et j’ai découvert qu’il était possible de suivre une formation professionnelle, sponsorisée par les Assedics (France Travail aujourd’hui). Format court, efficacité prouvée, il ne m’en a pas fallu plus pour tout laisser tomber. Sept mois après la rentrée, ciao la fac. On change de méthode.
En mode warrior
Se lancer dans la vie très jeune, m’a appris bien vite les rouages du système. Je me suis heurtée de plein fouet à l’administration.
Dans un premier temps, avec des assistantes sociales qui te font croire que tu auras des aides alors que tu n’en auras pas. Dans un second temps, avec une administration rigide qui ne te renseigne pas, et qui te noie dans des dossiers à remplir (à la main, il n’y a pas internet).
La première fois que je me suis présentée à la mission locale, je n’avais droit à rien. Aucune formation gratuite, aucune possibilité de quoi que ce soit, sous prétexte que j’avais le BAC. Pas le droit aux allocations chômage, malgré six ans de travail en parallèle de mes études (il me manquait un mois pour valider mes droits). Je n’avais aucune information, aucun argument. En revanche, j’ai bien retenu les règles.
Je postule dans l’agence locale où je travaille, mais ma candidature est refusée parce que je n’ai pas le diplôme. Par chance, la nana qui obtient le poste quitte rapidement le navire. Pris de cours, on m’appelle pour la remplacer au pied levé. C’est mon coup de chance, ma porte de sortie.
De retour à la mission locale au bout de quelques mois, j’ai emmagasiné suffisamment de droits aux Assedics. Je suis particulièrement renseignée sur tout ce qui existe et ce à quoi j’ai droit. Je ne viens plus pour demander. Je viens pour exiger. Le concept n’est pas le même. Et gare à celui ou à celle qui me contredira ou se mettra en travers de ma route. J’obtiendrai la mutation d’une assistante sociale qui m’aura fait faire plus de deux cent kilomètres en stop pour ne pas se présenter au rendez-vous qu’elle m’avait imposé. Je serais désormais intraitable et intransigeante. J’ai 21 ans, le cœur en béton armé, le moral d’une combattante.
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2 Commentaires
Que cette histoire me touche… Je me revois jeune combattante, en train de pousser des portes… J’ai 19 ans, j’ai décidé que je ferai de la comptabilité, mes parents ayant refusé que je fasse les études de psycho dont je rêvais depuis des années… » On te paye toutes les études que tu veux, sauf psycho » j’ai laissé mon rêve se briser lorsque, cachée sous le matelas de mon lit, j’ai abandonné mon inscription à la fac de psycho que j’avais faite en cachette… Pas psycho ? Alors je travaillerai ! Inutile d’aller perdre mon temps en fac, les seules études qui m’intéressaient au point de faire 5 ans d’études, c’était psycho.
Un an plus tard, me voilà donc à vouloir faire de la comptabilité… Je suis chez ma grand mère en Picardie, j’ai quitté la Corse après une énième dispute familiale… La rentrée scolaire est déjà faite depuis quelques jours… Je décide de m’inscrire au lycée à côté de chez ma grand mère. Oui mais voilà , on ne prend pas les bac philo pour faire de la compta. On m’explique que toutes les candidatures de littéraires ont été rejetées. C’est bien connu, les littéraires sont nuls en maths… Comme si tu devais choisir entre savoir lire et écrire ou compter ! Je sens du haut de mes 19 ans la révolution monter contre l’injustice… J’ai » campé » pendant 3 jours devant la porte du Proviseur du lycée, jusqu’à ce que la secrétaire épuisée de me voir tente un balbutiement pour expliquer à Monsieur le Proviseur que cette jeune ne voulait pas partir, qu’elle savait qu’elle n’avait aucune chance de rentrer en comptabilité, mais qu’elle ne voulait rien savoir… » Môôôssieur le Proviseur » m’a ouvert sa porte et je suis rentrée en BTS comptabilité !
Pour la petite histoire… quelques années plus tard, alors que je dirigeais une Agence France Travail… j’ai rencontré au détour d’une réunion d’encadrement dans ce fameux lycée, le Proviseur. Au détour de la conversation, je lui dis, savez-vous que ce lycée est construit sur les terres appartenant anciennement à mon grand père ? Le Proviseur interloqué me répond » impossible » ah.. j’insiste… Plus sûre que moi, c’est ça qui est impossible !!!… Et il ajoute donc…il n’y avait ici qu’un seul agriculteur à qui tout appartenait… Et avec un petit sourire, je lui souffle le nom de mon grand père.. Vous savez-quoi ??? Il me tutoie, me regarde intensément et me dit » tu es la fille de Yolande ! J’ai fait ma communion avec ta mère ! » J’ai terminé assise à sa droite, au repas, il m’a presentée à tout le monde… Ça m’a valu la jalousie de mon chef au passage… Et certainement aussi ma promotion… Mais bon, j’étais fière de mon grand père 😊 Merci pour cet épisode qui m’a rappelé de bons souvenirs… Les jeunes, enfoncez les portes, ne laissez pas vos rêves s’envoler
Je trouve que nous avons pas mal de points en commun. Le fait d’avoir eu des batons dans les roues très jeune, a décuplé notre force d’affronter le monde. Ce qui a influencé fatalement notre caratère.